24 février 1878

Paris, 24 février [18]78, dimanche, 11 h. du matin

Cher bien-aimé, il faudrait que je fusse encore plus morte que ceux qui dorment au cimetière pour ne pas me ranimer le jour où ta grande parole doit se faire entendre à la foule [1]. Aussi, ce matin, malgré le peu de gaieté^a du temps et de la cérémonie que tu dois présider et les nombreux bobos qui me harcèlent en ce moment, j’irai avec toi au Père-Lachaise et je tâcherai d’y rester assez près pour ne pas perdre un seul mot de ce que tu diras. J’espère qu’il n’arrivera pas d’accidents malgré l’énorme affluence du public venu là pour t’entendre. Mais, comme toujours, je ne serai vraiment tranquille que lorsque tu seras revenu sain et sauf à la maison. Dans les lettres que j’ai dépouillées tout à l’heure il y en a une d’un M. Mariott journaliste anglo-américain qui te demande de lui prêter deux cents francs. Il a déjà renvoyé chercher la réponse tout à l’heure et je lui ai fait dire, ce qui est vrai, que tu n’avais pas le temps aujourd’hui d’ouvrir tes lettres. Cela te donnera le temps d’aviser à ce que tu veux faire pour cet emprunteur carottier^b. Moi je n’ai que celui de te dire que je t’adore.

BnF, Mss, NAF, 16399, f. 53
Transcription de Chantal Brière

a) « gaité ».
b) « carotier ».