Guernesey, 25 janvier [18]68, samedi matin, 7 h. ½
Bonjour, mon cher petit matinal, bonjour, je t’aime. Je ne te demande pas si tu as passé une bonne nuit puisqu’il est convenu que l’heure de ton lever est en raison même de la bonté de ta nuit. Moi aussi j’ai très bien dormi malgré la tempête et sans le secours d’aucun foie gras ni maigre. Et à ce propos, je te fais remarquer avec quel art perfide je fais durer le susdit pâté à la grande impatience de Kesler qui n’en aurait voulu faire qu’une bouchée dès le premier jour. Cette malice n’est pas autrement drôle et il faut que je sois aussi à court d’esprit que je le suis pour t’en parler. Je ne veux pas trop y penser parce que je n’oserais plus écrire un mot de plus. Je t’aime, voilà tout mon style. C’est à toi à en tirer le meilleur parti que tu pourras. Je te fais souvenir de nouveau de remercier pour moi ton cher fils Victor de son charmant almanach [1]. Je désire que tous les jours qu’il contient soit pour toi, pour lui et pour toute ton adorable famille des jours bénis. J’espère que mon vœu sera exaucé et que je pourrai faire mon bonheur de votre bonheur à tous. Je t’aime.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 25
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette