Guernesey, 21 janvier [18]68, mardi, 8 h. ¾ du m[atin]
Bonjour, mon grand bien-aimé, bonjour. Es-tu content de ta nuit ? Moi, je ne le suis guère de la mienne et encore moins de ma personne. J’en viendrai à ne plus oser dire un mot devant toi dans la crainte, non pas de dire des stupidités, ce qui ne peut pas te blesser, mais de dire le contraire de ma pensée, ce qui est humiliant pour moi. En attendant que je prenne le parti de me taire, je te redemande pardon pour mon intempérance de langue d’hier. Au reste, pour peu que le mal de tête que j’ai ce matin persiste toute la journée, il est presque certain que je ne desserreraia pas les dents même pour admirer ton crapaud [1].
J’espère que tu auras de bonnes nouvelles de tes enfants aujourd’hui. C’est leur jour d’habitude. Décidément, mon pauvre adoré, j’ai trop mal à la tête pour te dire autre chose que : JE T’AIME.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 20
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « je ne dessererai ».