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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Paris, 17 déc[embre 18]70, samedi, midi ¾

Ton fils Charles m’a dit que les nouvelles sont très tristes aujourd’hui, mon cher bien-aimé, et il ajoute qu’il est question de t’appeler au gouvernement ainsi que Louis Blanc, ce qui augmente encore mon inquiétude [1]. Ce n’est pas quand le malade est à l’agonie que la science des plus grands médecins peut le sauver. Je ne me connais ni en médecine ni en politique mais je t’aime et je pressens pour toi un danger sans espoir de salut pour notre malheureux pays. Je te dis cela pour le soulagement de mon cœur et de ma conscience tout en sachant d’avance que tu ne tiendras aucun compte de mes pressentiments, et que tu te dévoueras, et que tu te sacrifieras quand même à la tâche probablement inutile de sauver Paris. Cette pensée me trouble plus que je ne puis dire et j’ai l’âme consternée. Tout me devient indifférent, même les exactions croissantes de notre aubergiste [2], qui exige dix francs pour avoir brûlé dans son salon inhabité, humide et moisi environ 20 F. de bois de lampes et de bougies sans compter vingt autres francs de drogues bues sous la rubrique thé et chocolat. Je suis tellement indignée de cette exploitation cynique que, si cela dépendait de moi, je m’en irais séance tenante. Au milieu de toutes ces lamentables choses je t’aime plus fort que jamais. Je t’adore. Louis [3] ne viendra pas dîner ce soir mais peut-être lundi si tu le permets.

MLVH Bièvres, 130-8-LAS-VH 12 a, b et c
Transcription Gérard Pouchain

Notes

[1« L’Électeur libre nous somme, Louis Blanc et moi, d’entrer dans le gouvernement, et affirme que c’est notre devoir. Je sens mon devoir au fond de ma conscience. » (Victor Hugo, Carnet, 17 décembre 1870).

[2Juliette désigne ainsi le propriétaire du pavillon de Rohan, 172 rue de Rivoli, où elle loge depuis le 26 septembre 1870.

[3(Jean-)Louis Koch, neveu de Juliette Drouet.

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