Paris, 12 déc[embre] [18]70, lundi matin, 11 h.
J’espère, mon cher bien-aimé, que tu es un peu moins agacé ce matin que tu l’étais hier soir, et par moi à ce qu’il m’a semblé, mais bien involontairement, je t’assure. Je te promets de faire en sorte, en m’observant de mon mieux, que cela n’arrive plus. En attendant je te prie d’oublier mon tort inconscient et même de m’en aimer encore davantage si tu peux pour le chagrin que j’en ai eu.
Il y aura ce soir dix-neuf ans que tu quittais Paris pour ton long exil avec un temps pareil à celui-ci et par une France presque aussi désespérée que celle d’aujourd’hui [1]. Espérons que, comme toi, elle se retrouvera après la délivrance encore plus grande, plus glorieuse, plus sainte, plus admirée, plus vénérée et plus adorée après sa longue et cruelle épreuve qu’avant. J’en accepte l’augure par l’enthousiasme des troupes qui n’a jamais été peut-être plus grand qu’en ce moment où elles chantent le Chant du Départ sansa paraître se soucier, ni même s’apercevoir du temps hideux qu’il fait.
MLVH Bièvres, 130-8-LAS-VH 8 a, b et c
Transcription de Gérard Pouchain
a) « s’en ».