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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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6 juillet [1847], mardi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, mon grand Toto. Dormez mon noble petit bastringueur et rêvez JUJU s’il vous plaît. Quant à moi je me suis faita illusion une partie de la nuit car j’ai rêvé que vous étiez revenu auprès de moi. Ce rêve m’a tenu lieu de réalité tout le temps que je l’ai fait. Quel dommage que je ne puisse pas rêver éveillée, je n’aurais pas le cœur si souvent triste. Cependant aujourd’hui je ne suis pas triste, je t’aime et je crois que tu m’aimes. Ai-je raison ? Je veux le croire et je le crois de toutes mes forces.
Comment la fête s’est-elle passée ? Les gamins ont-ils bien chaloupéb et bien gobichouné [1] ? Dédé a-t-elle été bien belle et bien admirée ? As-tu été bien heureux mon doux adoré ? Je pourrais me passer de réponse à toutes ces questions, car la soirée était admirable, les goistapious ont bons pieds, beaux yeux et belles dents et ma Dédé serait fort embarrassée pour n’être pas éblouissante. Et toi mon grand lion tu es partout le roi admiré, et vénéré. Je sais tout cela de reste et si je te le demande ce n’est pas par curiosité, c’est pour avoir le plaisir de me faire à moi-même les réponses que je connais d’avance. Quant à moi, je me suis couchée à dix heures après avoir baisé mon petit portefeuille. Et puis j’ai lu jusqu’à onze heures. Tu sais le reste. Maintenant je te gribouille avec une affreuse plume, n’osant pas me servir de la bonne toute fraîche taillée, et je te baise de toute mon âme.

Juliette

MVH, α 8986
Transcription de Nicole Savy

a) « faite ». Grammaticalement et sémantiquement possible, mais peu probable.
b) « chalouppé ».


6 juillet [1847], midi ½

Je suis déjà sous les armes, mon Toto bien-aimé, pour aller avec toi si tu le permets. Dans tous les cas j’irai te chercher tantôt et cette certitude me rend bien heureuse d’avance. Je te prierai tantôt de me donner une de tes cartes pour mettre dans mon petit calepina chinois. Je le garderai toujours dans ma poche, ce sera tout à la fois un ornement et une relique. Voilà ce que je voudrais faire de tout ce que tu m’as donné. Je t’aime tant mon petit Toto que tout ce qui me vient de toi m’est plus précieux que de l’or. Ce n’est pas une manière de parler, c’est la VRAIE vérité.
Je suis impatiente de savoir en détails tout ce qui s’est passé hier à cette fête. Du moins tout ce qui s’est passé pour vous tous. Et puis encore, et surtout, je suis impatiente de revoir ta belle petite tête, d’entendre ta douce voix et de baiser ta belle bouche. Je t’attends, je te désire, je te presse, je t’adore et je galopeb au-devant de toi de toute la force de mon amour.

Juliette

MVH, α 8987
Transcription de Nicole Savy

a) « calpin ».
b) « galoppe ».

Notes

[1D’après Larousse, « gobichonner », mot populaire, signifie « festiner, mener joyeuse vie » (GDU).

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