Guernesey, 13 septembre 1857, dimanche soir, 4 h. ½
Il faut bien que je ne puisse bouger ni pied ni patte pour refuser d’aller te retrouver sur la route du [bas ?], mon cher petit homme, mais c’est qu’en vérité je suis exténuée et à bout de toutes mes forces. Si tu savais jusqu’à quel degré de fatigue je suis arrivée, mon doux bien-aimé, tu serais surpris de ce qu’il me faut de courage pour me tenir debout et faire encore une espèce de figure de femme vivante. Cela ne m’arrive que quand je te vois ; ta présence me galvanise et me ressuscite mais aussi dès que tu es parti je retombe de tout mon poids dans la plus [illis.] prostration. Je t’attends pour reprendre vie, tâche que ce soit bientôt.
Les Réméniya ne sont restés que quelques minutes après toi. Le premier moment d’embarras passé à cause de mon ébouriffement par trop hideux, j’ai été contente de connaître cette jeune fille QUI VOUS ADORE. Je l’ai trouvée suffisamment armée en guerre pour aller à votre conquête, mon cher petit dragon… pas de vertu, et j’avoue que ma crânerie est assez lâche pour se tourmenter quelque peu des tournois de coquetterie dans lesquelsb vous joutez à qui mieux mieux avec cette jeune étrangère. Prenez garde à vous, mon cher petit aventureux, ou plutôt prenez garde à mon bonheur et à ma vie.
BnF, Mss, NAF 16378, f. 177
Transcription de Chantal Brière
a) « Reminy ».
b) « lequel ».