Guernesey 21 mai 1857, jeudi soir 6 h.
Je n’ai pas encore perdu tout espoir de te revoir avant le dîner bien que l’heure sacramentelle de ta soupe soit sonnée, tant lea besoin de te voir est tenace en moi. En attendant je tâche de me faire prendre patience comme Arlequin en me racontant l’histoire de mon amour que je sais trop par cœur mais qui ne m’en intéresse que davantage. Puis je pense avec chagrin qu’il ne me sera probablement pas possible de faire ton passus mile ce soir. Oh ! Te voilà ! Quel bonheur !!!!b quoiqu’il n’arrive pas de bonne heure.
6 h ¼
Je ferai tout ce que je pourrai pour emboîter le pas à côté de toi, ce soir, mon cher petit Toto, dussé-jec rester en route ; mais je ne veux pas te priver d’un exercice nécessaire à ta santé et il me serait peut-être encore plus difficile de me passer de te voir que de forcer mes pieds à me porter. Je vais donc me dépêcher de dîner pour être prête quand tu viendras. D’ici-là, je t’aime plus que plein mon cœur. Et ma lettre ? Ma lettre ? Ma lettre ? [1]
Juliette
BnF, Mss, NAF 16378, f. 88.
Transcription d’André Maget assisté de Florence Naugrette
a) « Tant le le besoin ».
b) Les quatre points d’exclamation courent jusqu’au bout de la ligne.
c) « dussai-je ».