Paris, 17 novembre [18]73, lundi matin, 9 h. ½
Tu fais bien, mon cher bien-aimé, de rectifier tout de suite l’erreur commise étourdiment par ce bon E. Lefèvre. Heureusement que, la chose étant encore toute fraîche et Meurice ayant lui-même compté les 11 330 francs avec toi, le versement intégral de ces 11 330 francs fait par toi à la caisse du Rappel ne peut pas faire de doute [1]. Mais tu as mille fois raison quand tu dis qu’il n’y a pas d’élégance ni de marivaudage en affaires. Les chiffres sont des malotrus qu’il faut traiter avec gravité toujours si on ne veut pas y perdre. Il n’y a que l’amour qui se donne et se prend sans compter, ce qui n’empêche pas, hélas ! le déficit dans plus d’un cœur confiant et honnête. La moindre distraction suffit pour produire de ces mécomptes-là. Heureusement, je le répète, le tien est facile à rectifier. Ce qui l’est moins, c’est la juxtaposition du temps que Mme P. Meurice peut me donner avec l’urgence de plus en plus pressante de mes besoins. Cependant nous avons pris jour pour vendredi à midi très précis. J’espère que tu pourras être exact en avançant ton déjeuner d’une heure, de cette façon je ne perdrai rien de mon cher petit Bonheur quotidien. D’avance je t’en remercie, je te souris et je te bénis.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 322
Transcription de Manon Da Costa assistée de Florence Naugrette