Paris, 24 octobre [18]73, vendredi matin
Je te donne mon bonjour le plus discret et le plus tendre, dans la crainte d’éveiller ton rêve s’il est doux et ton travail dans le cas où déjà tu ne dormirais plus. J’espère que tu as passé ta nuit très bonne et que rien ne cloche dans ta santé et dans ta pensée. Quant à moi, je me lève à peu près comme je me suis couchée, ce qui ne m’empêche pas d’être en très bon état ce matin. J’ai déjà rangé à nouveau tes lettres et tes papiers que j’avais dû enfouir dans le grand meuble hier soir. Sans reproche, cette corvée se renouvelle presque tous les jours, aussi tu serais bien gentil, mon cher petit grand homme, d’en faire un triage sommaire qui me permette d’en désencombrer un par la cheminée, bien entendu en temps que ma réclamation ne te dérange pas trop aujourd’hui. À ce propos, voici un temps suffisamment hydraulique pour te faire mouiller jusqu’aux os et dont il est probable que tu voudras profiter jusqu’à la dernière goutte. Moi-même je me sens une velléité de nageoires qui me pousse à te suivre au fil de l’eau dans les profondeurs du pays des carpes et des poissons rouges. En attendant je t’adore en terre ferme.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 300
Transcription de Manon Da Costa assistée de Florence Naugrette