Paris, 4 février [18]72, dimanche matin, 8 h.
Bonjour, mon ineffablement bon grand bien-aimé, bonjour. Je baise toutes les plaies douloureuses de ta vie avec attendrissement et avec vénération. Comme Christ autrefois, comme la France aujourd’hui, tu es le grand martyr et le sublime crucifié. Toutes les auréoles sont faites de persécutions, de tortures physiques et morales ; c’est pour cela, hélas ! que la tienne est une de celles qui resplendit le plus. Je prie Dieu de laisser toujours auprès de toi tes deux petits anges gardiens qui sont ta force et ta consolation et de me permettre de vivre à tes côtés pour t’aimer et pour te servir jusqu’à mon dernier soupir.
J’espère qu’il exaucera ma prière de tous les jours et que rien ne nous séparera dans cette vie ni dans l’autre. Mon amour, ma confiance et ma foi sont à toi et en lui. Je t’aime, je prie et j’espère. Comment as-tu passé la nuit, mon adoré ? Comment vont les enfants ? Petite Jeanne a-t-elle déjà fait entendre son petit ramage ? J’attends l’heure d’envoyer chez toi pour avoir de vos nouvelles à tous. En même temps on te portera le sac de chocolats pour tes deux chers petits gourmands. Je t’aime.
BnF, Mss NAF 16393, f. 31
Transcription de Guy Rosa