Paris, 8 septembre [18]73, lundi matin, 10 h. ¼
Comment, mon pauvre bien-aimé, tu n’as pas dormi cette nuit ? Pourquoi ? Qu’est-ce qui a pu t’agiter à ce point ? Est-ce que quelque chose t’a méconté hier soir ? J’espère que ce n’est pas par moi mais cela ne me console pas de ta mauvaise nuit. Quant à moi, le rhume aidant, j’ai dormi comme une bûche. Je ne crois pas que tu aies répétition aujourd’hui ? Mais, de toute façon, je m’abstiendrai de sortir tant que mon rhume ne baissera pas de diapason. Tu as dû recevoir une lettre tout à l’heure ? Peut-être est-ce la réponse du propriétaire, à moins qu’il n’ait pas encore vu le citoyen Hullin. C’est bien décidément tantôt que j’écrirai à Suzanne. La pauvre vieille doit être un peu étonnée de mon long silence. Quel malheur qu’elle ne puisse pas résister à son hideux penchant : l’ivrognerie ! Sans ce vice, pour moi rédhibitoire, je ne connais pas de meilleure domestique qu’elle. Enfin il faut avoir patience jusqu’à ce que ses actions soient tout à fait libérées car elle ne saurait, pas plus que moi, s’en tirer toute seule. Quels adorables petits enfants tu as, mon bien-aimé, je les bénis à travers toi.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 262
Transcription de Manon Da Costa assistée de Florence Naugrette