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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 mai 1873

Guernesey 30 maia [18]73, vendredi, 6 h. du m.

Bonjour, mon cher bien-aimé, je te souris et je t’adore. Comment as-tu passé la nuit ? Bien, je l’espère, moi aussi très bien ; mais comme il faut que je geigne toujours pour ceci ou pour cela je me plains ce matin d’un fort mal de tête. Je compte qu’il se dissipera au fur et à mesure que le soleil se débarbouillera de ses nuages. Je n’ai pas pu constater si tu es déjà levé parce que je n’ouvre ma porte qu’à sept heures pour laisser mes suivantes dormir jusqu’à [illis.]. Quant à ce que tu désires de Suzanne, je ne doute pas qu’elle s’empresse de le faire comme c’est son devoir et son honneur. Quant à Blanche je crois qu’il suffit qu’elle serve à table le soir. Au reste il va sans dire que tout le monde, moi en tête, nous sommes tes très humbles et très heureuses servantes. N’est-ce pas aujourd’hui que doit arriver le jeune Pelleport [1] ? Il me semble qu’il aurait dû t’écrire auparavant ? Après cela je ne connais pas les usages usités en pareil cas, ce qui fait que je retire mon observation. Je t’aime, je t’aime, je t’aime, voilà toutec ma science.

BnF, Mss, NAF 16394, f. 159
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette

a) « août », corrigé en « mai ».
b) « tout ».


Guernesey 30 mai [18]73, vendredi soir, 3 h.

Tu m’as fait dire ce matin par Suzanne, mon cher adoré, que tu avais bien dormi et que tu te portais très bien ; j’espère que c’est bien vrai et je m’en réjouis de tout mon cœur. Tu as eu encore la bonté de t’informer de moi et je t’en remercie en t’affirmant que j’ai dormi comme un plomb et que tous mes bobos se tiennent tranquilles pour le moment.
Tu as dû recevoir un fort et intéressant courriera aujourd’hui si j’en crois le rapport de la chaste Suzanne [2] qui se trouvait à ta porte tantôt en même temps que le facteur. Pour moi, s’il m’était donné de choisir parmi les nouvelles celles que tu désirerais recevoir entre toutes les autres, je sais bien celles que je t’enverrais. Malheureusement je n’ai pas voix au chapitre, ce dont j’enrage et je souffre pour toi. Tout vient à point à qui sait attendre, dit le proverbe, espérons que nous en auronsb bientôt le cœur net. Jusque là, il faut faire de nécessité vertu et nous aimer encore plus si c’est possible. Je pense avec une joie anticipée que d’ici à quinze jours je collationnerai ton livre ÉTOILE QUATREVINGT-TREIZEc : QUEL BONHEUR !

BnF, Mss, NAF 16394, f. 160
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette

a) « courier ».
b) « auron ».
c) « QUATREVINGT TREIZE ».

Notes

[1Adolphe Pelleport, jeune poète républicain et journaliste, ami de Victor Hugo et d’Auguste Vacquerie.

[2Juliette désigne ici sa servante, en jouant plaisamment d’une allusion : La Chaste Suzanne est un plaisant vaudeville de Barré, Radet et Desfontaines, qui fit un scandale politique en janvier 1793, parce qu’un enfant défendant la pauvre Suzanne y lançait aux vieillards : “vous êtes ses accusateurs ; vous ne sauriez être ses juges.” On y avait compris une allusion (involontaire) au procès de Louis XVI. Juliette Drouet utilise fréquemment cette épithète devenue homérique sous sa plume, pour désigner sa servante.

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