Guernesey 3 mai [18]73, samedi matin, 8 h. moins 10 m.
Good moulin et very pretty moulinet qui fait tourner mon cœur à la joie, de triste qu’il était tout à l’heure en regardant ton toit désert, ce qui me faisait craindre une mauvaise nuit pour toi, mon ineffable grand bien-aimé. Maintenant que je t’ai vu et que j’ai assisté aux évolutions endiablées de ton torchon radieux je suis rassurée, je suis heureuse, je te bénis et je t’adore. J’espère que ma confiance en ta bonne nuit est justifiée et que tu as dormi comme un noir toute la nuit. De mon côté, j’ai très bien dormi et je vais très bien ce matin.
J’ai cherché la lettre de Mme d’Alton que je te remettrai tantôt. En la relisant je me suis aperçue que, parmi toutes les séductions de ton hospitalité, elle conservait un souvenir particulièrement tendre et charmé de son tête à tête avec toi au Gouffre [1] pendant que je cuvais stupidement mon vertige seule au fond de la voiture. Vla ce que c’est que d’aller au Gouffre, l’une en jouit et l’autre en souffre ! Je ne l’oublierai pas quand l’occasion s’en présentera. En attendant je t’aime à pic.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 122
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette