Guernesey, 24 mars [18]73, lundi matin, 7 h. 25 m[inutes]
Cher bien-aimé, j’ai le regret vif de m’être trop indulgée ce matin ce qui fait que je t’ai manqué au passage du torchon radieux. Décidément je suis une grosse bête et je ne mérite pas tout ce que tu fais pour moi, y compris la belle, bonne, douce, charmante et surprenante journée que tu m’as donnée hier. J’espère, au moins, que tu as eu le bon esprit de bien dormir toute la nuit, ce qui me ravigotte tout à fait en y pensant. Tout à l’heure je vais prendre un bain pour tâcher d’être en état de reprendre ma course avec toi tantôt. Je ne crois pas cependant que je pourrai aller jusqu’à Guernesey Arms ! D’ailleurs nous ne pourrions pas faire porter ce qui nous est nécessaire pour braver l’humidité du soir si forte dans cette saison-ci. De chez moi à la voiture il y a trop loin pour faire porter un paquet très lourd à des femmes dont l’une est vieille et l’autre pas assez forte. Il faudra dès que la saison sera plus raffermie, reprendre le tradition de faire venir la voiture jusqu’à notre porte.
Tout cela ne [valant ?a] pas la peine d’être [lu par toi ?], je te demande pardonb de ce hideux rabâchage dans ce hideux gribouillis.
Je t’adore, est-ce clair ?
BnF, Mss, NAF 16394, f. 80
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette
a) Lecture conjecturale car tâche sur le manuscrit.
b) « pardone ».