Guernesey, 7 février [18]73, vendredi matin, 8 h. 35 m[inutes] du m[atin]
Cher adoré, bonjour, sois béni et tous ceux que tu aimes avec toi.
Je viens de te voir avec ton signal luttant contre le vent archi carabiné de ce matin puis disparaître après m’avoir fait ton petit signe d’amour habituel qui me remue des pieds à la tête comme une décharge électrique chaque fois que je le reçois. Merci, mon tout bien-aimé pour cette petite provision de bonheur qui me fera attendre avec moins d’impatience le moment où je te verrai ce soir. Mais quel froid, quel vent, quel rock ! Certes si je ne pensais qu’à ceux qui, comme Marion [1] et nous, avons des représentations et du pain sur la planche je me réjouirais de ce regain d’hiver mais il y a tant de pauvres gens sans feu ni lieu qui en souffriront que je ne peux pas m’empêcher de les plaindre et de m’en attrister. Espérons que Dieu prendra en pitié tous ceux qui souffrent du froid et de la faim et que rien ne viendra troubler la joie du succès de ton admirable et adorable Marion. Jusqu’à présent c’est demain qu’elle doit se montrer dans toute la splendeur de ton génie. D’avance mon cœur et mes mains battent à l’unisson de ceux du public qui vont t’acclamer. Je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 36
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette