Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1846 > Juin > 20

20 juin 1846

20 juin [1846], samedi après-midi, 4 h. ¾

Je n’ai pas encore pu t’écrire jusqu’à présent, mon adoré bien-aimé, tant j’ai été occupée autour de ma pauvre fille dont le mieux d’hier ne s’est pas soutenu, loin de là. La toux et les crachats sont plus forts qu’auparavant et d’une couleur peu rassurante ; les forces s’en vont de plus en plus. Enfin pour moi, cette pauvre bien-aimée est bien pire encore que les jours précédents. M. Triger est venu hier au soir, puisqu’il n’était pas prévenu, et par conséquent son opinion n’est pas suspecte. Il lui a trouvé une fièvre de cheval et les crachats d’un très mauvais caractère. Quand je lui ai eu dit que je voyais un homéopathea il m’a dit que je faisais bien mais que pour lui, il persistait dans son dire que s’il y avait des tubercules, aucun médecin et aucune médecine ne pouvait la sauver, que s’il n’y en avait pas, elle guérirait malgré tout le monde, que malheureusement tous les symptômes étaient on ne peut pas plus alarmants. La nuit a été assez bonne mais la matinée et la journée ont été atroces pour cette pauvre bien-aimée. Je regrettais que ce médecin homéopathea ne pût pas la voir dans cette affreuse crise. Je trouve qu’il y a quelque chose d’inhumain à voir souffrir une pauvre créature sans essayer de la soulager par tous les moyens possibles. Du reste la malheureuse enfant semble entrevoir l’issue funeste de sa maladie. Elle en a parlé à plusieurs reprises avec un accent de désespoir et de conviction qui me brisait le cœur. Pour la première fois elle s’est plainte de la poitrine qui la déchirait, disait-elle, chaque fois qu’elle toussait. Mon Victor adoré, je ne peux te parler que de cela, car dans ce moment c’est ce qui m’occupe et me prend ma vie. Je m’appuie sur mon amour pour ne pas tomber avant la fin de cette horrible maladie, mais je souffre de tous les côtés de mon cœur [illis.] fois car je te vois si peu que c’est un désespoir de plus à ajouter à tous les autres. J’entends l’omnibus qui s’arrête, peut-être est-ce toi mon adoré bien désiré et bien attendu.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16363, f. 171-172
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) « oméopathe ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne