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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 avril 1836

5 avril [1836], mardi matin, 10 h. ½

Bonjour, mon cher adoré. Je t’écris sans savoir l’heure parce que la pendule s’est arrêtée sur minuit juste comme si elle avait marqué le bonheur.
Je t’aime, toi ; je vous adore, vous ; vous êtes ma joie et mon orgueil. Vous êtes mon Toto chéri. La bonne vient de me rapporter l’heure. Hier au même moment j’étais bien heureuse. Je sais bien avec qui. Aujourd’hui, je suis bien triste. J’ai un grand vide dans mon bonheur, bien plus grand que celui qui me blesse les yeux. Et cependant, il dépendrait de vous que je sois moins seule et moins délaissée.
J’espère, mon cher petit Toto, que votre cher Victor Hugo [1] n’aura pas souffert cette nuit puisque je n’ai pas eu ta chère petite visite. Tant mieux pour lui et pour toi, tant pis pour moi seule.
Le temps me paraît très au beau, nous devrions en profiter pour chercher aujourd’hui même une pension pour Claire, car plus nous tardons, plus il y a urgence.
Je t’aime, mon Victor adoré, tu ne le sauras jamais autant que c’est vrai, mais je t’aime de toute mon âme. S’il est vrai qu’il existe une communication magnétique entre deux cœursa qui s’aiment, tu sentiras à présent même que je te désire et que je t’appelle de toutes les forces de mon amour.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 272-273
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

a) Au-dessus de ces mots « tu entendras » est vraisemblablement un ajout mal placé à « tu sentiras ».


5 avril [1836] mardi soir, 8 h. ½

Chère âme, que je t’aime ! Je t’aime trop, car cela m’empêche d’avoir une pensée quelconque autre que la tienne, et que je crains de t’ennuyer à force de te répéter toujours la même chose.
Je vous défends dorénavant de faire le séducteur avec moi en m’offrant ce qui fait le bonheur et la damnation d’une femme, des chapeaux de paille cousue délirantsa et des toilettes du dernier goût.
Savez-vous, mon cher bijou, que mon doigt me fait tant de mal que je peux à peine tenir ma plume et qu’il faut absolument vous aimer pour s’en fiche ? Oh ! oui, je t’aime, c’est bien vrai, je me mire dans tes yeux, je me trouve belle de ta beauté, je ne pense plus à rien quand je te vois, j’oublie tout, je me fonds dans toi, je respire avec toi. Je ne suis plus moi, je suis toi, je suis ce qui t’aime, ce qui t’admire, ce qui t’adore, je suis ta pauvre Juju, ton pauvre chien fidèle.
Je t’ai demandé de me mener à Angelo [2] parce que c’est un moyen de te voir quelques instants plus tôt, mais je serai encore bien plus contente si tu viens très tôt et si tu restes avec moi. Les caresses et l’amour ne sont épuisés, va. J’en ai encore un bon petit magasin que je mets à ta disposition comme mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 274-275
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa
[Souchon]

a) « délirant ».

Notes

[2Angelo tyran de Padoue, créée l’année précédente à la Comédie-Française, et reprise en 1836.

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