Paris, 2 mai [18]77, mercredi soir, 6 h.
Cher bien-aimé, ma pensée, comme le zagal [1] espagnol, court derrière, devant et à côté de toi en faisant tintiller toutes les sonneries de mon cœur. J’espère que, sans gêne pour ton travail, tu lui souris de temps en temps. Il fait un temps charmant ce soir qui me tranquillise sur ta promenade en l’air [2]. Puisses-tu ne pas trop t’attarder, à cause de Paul Meurice et un peu pour moi aussi. J’ai le projet, si rien ne s’y oppose, de t’accompagner demain à Versailles. Cela m’a si bien réussi hier que je ne demande qu’à continuer, dût le service de la maison en souffrir un peu. Aujourd’hui je suis un peu en retard, précisément à cause de mon excursion de la veille. Aussi je me hâte de finir mon gribouillis pour être à mon poste au salon tout à l’heure. Donc, mon cher petit homme, je mets les baisers doubles et j’entasse des Pelions et des Ossas [3] de tendresse au risque de t’en étouffer et de t’en écraser sous leur poids.
BnF, Mss, NAF 16398, f. 120
Transcription de Guy Rosa