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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 mars 1847

26 mars [1847], vendredi matin, 9 h. ¾

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour mon cher petit homme adoré, bonjour, où es-tu en ce moment ? Probablement sur le point de partir pour le service de Mlle Mars ? [1] J’espère que tu n’iras pas jusqu’au cimetière. Tu as mal à la gorge et ce serait t’exposer à l’augmenter que de rester longtemps dans une immobilité presque absolue au vent et à la poussière.
Si tu avais voulu tu aurais pu revenir déjeuner chez moi. Cela m’aurait été une occasion de te voir quelques instants et Dieu sait si je les désire ces plus en plus rares occasions. Peut-être viendras-tu en sortant de l’église, mais je n’ose pas l’espérer. J’aime mieux avoir le plaisir de la surprise que la tristesse de la déception. Il n’y a pas de jour où ces deux phrases ne se retrouvent dans mes gribouillis, il n’y a pas de minutes dans la journée où elles ne se répètent dans ma pensée. Cela prouve que je t’aime sans interruption et que tu as très peu le temps de t’en assurer. Cela prouve encore que je ne [illis.] pas et que je mets tous mes ennuis sur le compte de la mairie, de l’affaire de Charles [2] et de Chaumontel. On n’est pas plus confiante ni plus résignée à son sort comme tu vois. Maintenant baise-moi et viens le plus vite possible.

Juliette

MVH, α 7870
Transcription de Nicole Savy


26 mars [1847], vendredi après-midi, 4 h.

Tu n’avais pas de Chambre aujourd’hui, mon adoré, et pourtant je ne t’en verrai pas davantage car voici l’heure déjà très avancée et tu n’es pas encore venu. Je ne te grogne pas mais je te fais remarquer que si tu ne me fais pas profiter du jour où tu n’as pas d’occupations forcées, il ne me restera jamais aucune chance de me récupérer de tout mon bonheur perdu par la faute des affaires et de tes travaux. Maintenant je ne veux pas insister de peur de t’ennuyer.
J’ai vu M. Vilain tantôt. Il paraît qu’il était venu hier dans la soirée mais personne ne l’a entendu sonner. Du reste, il se félicite de l’accueil plein de grâce et de bienveillance de Mme Hugo et il en paraît bien reconnaissant et bien heureux. Il adore Toto et moi je crois que tout cela est bien sincère et que c’est un bon et loyal jeune homme.
J’ai vu Jourdain à qui j’ai donné les [100 f.  ?] acompte. Voilà jusqu’à présent toutes les nouvelles intérieures et étrangères. Je vous attends pour en voir de plus intéressantes, pour savoir si vous êtes allé à l’enterrement de Mlle Mars. Vous en êtes très capable surtout s’il y avait là, comme je n’en doute pas, toutes les acteuses de la comédie et des autres théâtres. Tout cela n’est pas fait pour me rendre ton absence moins insupportable. Si tu étais pour un moment dans mon pauvre cœur tu verrais tout ce qu’il souffre et combien il est malheureux. Mon Victor bien-aimé n’oublie pas que tu es ma joie, mon bonheur et ma vie.

Juliette

MVH, α 7871
Transcription de Nicole Savy

Notes

[1La grande comédienne, créatrice de doña Sol dans Hernani, était morte le 20 mars. Victor Hugo s’est effectivement rendu à ses obsèques à l’église de la Madeleine et a suivi le convoi sur le boulevard. Tout le monde du théâtre, des écrivains et des artistes était présent.

[2Voir les lettres précédentes.

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