Paris, 3 avril [18]77, mardi matin, 10 h.
Je craignais pour toi, mon grand bien-aimé, que les émotions diverses par lesquelles tu as dû passer depuis quelque temps à l’occasion du mariage de ta belle-fille ne troublent ton sommeil cette nuit, mais je suis bien heureuse d’apprendre qu’il n’en est rien, ce dont je me réjouis le cœur et l’âme. Encore un peu de courage et tout sera accompli d’ici à tantôt. En attendant, je veux ne rien laisser de mon cœur en souffrance pendant que j’assisterai à la cérémonie là-bas [1]. C’est pourquoi je me hâte de laisser ici, comme garde de mon amour et de mon bonheur, ma chère petite restitus. Cela fait, je me sens comme protégée contre toutes les mauvaises chances qui pourraient me menacer. J’espère que Dieu m’aidera à justifier cette tendre superstition dans laquelle j’ai foi depuis que je t’aime.
À propos de superstition, le temps assez maussade de ce matin semble se raviser et je crois qu’il fera très beau tout le reste de la journée. Puisse ce présage de bon augure devenir dès à présent la certitude d’un long et durable bonheur pour les nouveaux mariés, et pour nous un gage nouveau de fidélité et de sécurité.
BnF, Mss, NAF 16398, f. 94
Transcription de Guy Rosa