Paris, 17 mars [18]77, samedi soir, 4 h. ½
Comme le pourpoint de don César de Bazan [1], je lutte, mon cher bien-aimé, sans pouvoir empêcher les lézardes et les défraîchissements de mon pourpoint de chair d’aller leur train. J’espère pourtant que je pourrai m’asseoir à table ce soir sans pour cela être forcée d’aller me coucher comme une poule. J’attends avec impatience le temps où je pourrai sortir avec toi tous les jours. Malheureusement il ne paraît pas disposé à se hâter. Pendant que j’y pense, mon cher petit homme, je vais aller te demander si tu es bien sûr d’avoir invité les Allain-Targé ? Je sais que tu m’en as parlé, mais je ne me souviens pas que tu leur aies fait part de ton intention, soit en paroles, soit par lettre. Dans le doute, je réserverai leur couvert pour jeudi prochain. Je voudrais bien savoir un peu comment cela va se passer dimanche et à quelle heure il faut être prêts à partir. Tu es tellement affairé tous les jours qu’on ne peut rien te demander ni rien savoir à propos. Ma pauvre restitus est tellement émiettée que je ne sais plus qu’en faire si ce n’est de la jeter en pâture aux moineaux qui me demandent la becquée avant d’aller se coucher. Cher adoré, je dissimule mal mes souffrances qui sont très vives dans ce moment-ci. Je me hâte de boucler mon gribouillis par le mot sacramentel : je t’aime [2].
BnF, Mss, NAF 16398, f. 79
Transcription de Guy Rosa