Guernesey, 7 juin 1857, dimanche après-midi, 3 h. ½
Comment ne pas t’aimer avec tout son cœur et toute son âme, mon adoré, en te voyant si bon, si grand, si doux et si constamment ineffable et charmant. Quant à moi tout mon être se fond en admiration, en reconnaissance et en adoration devant ta sublime et divine nature et je voudrais être plus qu’une femme pour t’aimer d’un amour encore plus épuré et plus radieux si c’est possible. Depuis hier je suis en proie aux plus atroces douleurs qui font de mon corps un vrai martyr, sans pouvoir détourner un instant ma pensée, mon cœur et mon âme du bonheur de t’aimer. Je souffre, je crie, je pleure même un peu quand le mal est trop fort, mais mon amour continue joyeusement son hymne d’adoration avec autant de sérénité et d’enthousiasme que s’il était déjà rendu au ciel. J’espère pourtant que cet excès de podagrerie [1] aiguë va se calmer un peu et que je pourrai reprendre nos charmantes promenades du soir bientôt. En attendant, je me résigne tant bien que mal à rester dans ma chambre et je t’aime de toutes mes forces.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16378, f. 101
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette