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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 février [1838], dimanche après-midi, 4 h. ½

Oh ! que je voudrais être toi, mon adoré, pour te remercier comme je le sens. Mon esprit est un pauvre prisonnier qui ne peut jamais sortir du fond de mon âme où il est enfermé à triple tour. Te dire que je t’aime, que je t’adore, que je donnerais ma vie pour toi, ce n’est pas assez car je sens bien au-delà. Je voudrais trouver des mots qui rendissent ma passion comme elle est dans mon cœur, mais je suis stupide, je ne trouve rien que ce mot si banal, je t’aime. Toi mon adoré, tu sais donnera une valeur, un charme, une force à ce mot si usé, dont je suis incapable parce que je suis stupide. Avec vous, mon amour, ce n’est pas la matière qui est précieuse, mais la forme que vous lui donnez, vous êtes le Benevenuto de notre langue. Mais avec moi, c’est différent, je trouve le moyen de gâter la matière la plus précieuse, l’or le plus pur, l’amour le plus ravissant, par une façon commune et grossière de le dire. Aussi mon adoré, je t’offre mon cœur, ma vie, mon âme en bloc, en lingot, pour n’en pas détruire la valeur. Tu leur donneras la forme que tu voudras et qui te plaira le mieux. Chère âme de mon cœur, j’ai reçu ta lettre, Mme Guérard étant là. Je n’ai pas pu m’empêcher devant elle de la couvrir de baisers. Et puis quand je l’ai eu lue et rebaisée, je la lui ai lue à elle pour ajouter son admiration à mon ravissement et à mon adoration. Si je m’en croyais, je t’écrirais des volumes jusqu’au moment où je te reverrai mais j’ai pitié des tes pauvres yeux adorés. Je garde au-dedans de moi tout ce que je voudrais mettre en pattes de mouches sur le papier. Rien ne sera perdu et tes chers yeux en auront quelque fatigue de moins.
Vieux Toto, vous avez mis un habit, vous en êtes témoin, et vous ne voulez pas que je grogne ? C’est un peu fort ! Passe pour cette fois-ci mais n’y revenez pas, jamais de la vie ni des jours, et surtout revenez très tôt. Je vous attends l’amour dans les yeux et le cœur sur les lèvres.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 103-104
Transcription de Marie Rouat assistée de Gérard Pouchain
[Souchon]

a) « donné ».

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