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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 avril 1880

Paris, 7 avril 1880, mercredi soir, 4 h. ½

Cher bien-aimé, j’ai bien peur que mes tendresses en retard depuis hier ne te paraissent aussi rassiesa que nos petits pains de l’avant-veille de dimanche dernier. Je te les envoieb néanmoins avec l’arrière-espérance que tu y retrouveras encore quelque saveur. Il est vrai que j’en juge d’après mon propre appétit qui me fait dévorer tout ce qui reste de ton cœur, et jusqu’aux dernières miettes de ton amour. Enfin, mon grand bien-aimé, tâche de prendre en goût et en gré cette pauvre vieille restitus sans sel et presque moisie. Au moment où je t’écris ce gribouillis insipide, un jeune curé entre délibérément, et comme chez lui, derrière Mme la Princesse [1] qui vient d’arriver suivie déjà par son fidèle Ronzi [2]. Tous ces gens-là Princes, prêtres, et chanteurs ont l’air fort allègres et ne paraissent pas se soucier du tout de l’article 7 [3] plus que de l’an 40.
Repriseb à onze heures et demie du soir espérant, cette fois, achever cette sempiternelle élucubration avant d’aller me coucher dans ton doux voisinage. Je te fais souvenir, pendant que j’y repense, que tu dois aller à l’Académie demain, jeudi. Malheureusement je ne me souviens plus de l’heure de la séance, et je crains qu’il soit bien difficile de la retrouver dans le tas des lettres sur ta cheminée, la convocation qui l’indique. Mais il me semble que ce genre de séance ne varie pas ses heures. En attendant, te voilà prévenu à peu près. En entrant dans ma chambre tout à l’heure, j’y ai trouvé la boite de thé apportée par Mme Angèle Magnin et dont je ne l’ai pas remerciée pour ne pas l’embarrasser dans le cas où elle l’aurait oubliée. Ce don précieux en raison même de sa provenance, l’ambassadeur du céleste empire en personne, excusez du peu, sera fort goûté par nos buveurs de thé, Mme Lockroy et le sévère Schoelcher. Moi j’aime mieux monter en grade dans ton estime et dans ton cœur que dans mes théières, telc est mon goût.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16401, f. 96-97
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin

a) « rassises ».
b) « envoient ».
c) « Repris ».
d) « telle ».

Notes

[1Princesse de Lusignan, propriétaire de leur logement de la rue d’Eylau, voir Nar-Bey.

[2À identifier.

[3Loi visant à interdire l’enseignement supérieur aux congrégations religieuses qui avait été proposée le 4 mars. Elle ne cesse d’agiter le Sénat à cette époque des grandes réformes de l’éducation entamées par Jules Ferry. Elle sera rejetée le 18 mars. Mais une autre semblable sera adoptée le 29 mars 1880.

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