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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 février [1838], jeudi, midi ¾

Bonjour mon bien-aimé, bonjour mon cher petit homme adoré. Tu travailles toujours, mon bien-aimé ? Et j’aurais bien mauvaise grâce à me plaindre de cette affreuse nécessité qui fait que tous mes besoins retombent sur toi en veilles, et sur moi en absences. Tu peux croire, quand je me plains, que ce sont des mots, de vaines formalitésa extérieures pour te remercier de me consacrer ta vie ? Mais moi je ne me trompe pas. Je sais bien ce que je sens et ce que je souffre, et c’est bien prèsb du découragement et du désespoir. Cependant j’ai mandé la couturière… C’est au moins une contradiction apparente avec les regrets et les chagrins que me causec notre position ? Mais moi je sais bien que je suis parfaitement conséquente avec moi-même. Je sais que la seule robe que je mets depuis cinq ans et surtout depuis un an ne peut plus me rendre aucun service, et personne, pas même toi, ne saura l’amour dévoué et profond que j’ai pour toi. Je t’aime, mon Victor, je ne fais que penser à toi et quand je dors, je rêve de toi. J’ai l’esprit, le cœur et l’âme pleins de toi. Je suis triste, je suis découragée, il me semble impossible que tu puisses m’aimer longtemps à ce métier-là. J’en ai si peur que je ne vois la vie qu’à travers cette inquiétude, c’est [ce] qui me la fait voir si laide et si insupportable. Je t’aime trop.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 73-74
Transcription de Marie Rouat assistée de Gérard Pouchain

a) « formalitées ».
b) « prêt ».
c) « causent ».


15 février [1838], jeudi soir, 9 h. ½

Vous seriez bien injuste, mon Toto, si vous étiez mouzon pour la lettre de Claire. J’avais reconnu son écriture et surtout l’orthographe de la rue et de plus je savais très bien que vous alliez revenir pour les clefs ; c’est pourquoi je me suis permisa d’ouvrir la lettre de cetteb enfant, craignant qu’elle ne soit malade puisque j’ignorais qu’elle dût m’écrire. Si vous saviez jusqu’où je pousse la fidélité et le scrupule avec vous, vous seriez bien tranquille et bien Jour. Je t’aime tant, mon Toto, que tu n’as rien à craindre de rien. Je ne sais pas ce qui pourrait me faire oublier que je te dois tout et que tu es mon amour, c’est-à-dire plus que la vie, la lumière, l’air et le soleil. La mère Lanvin est partie et doit revenir samedi pour rapporter le velours si nous avons l’argent pour cela. Elle s’est beaucoup moquéec de la crainte que j’avais que tu sois fâché. Elle prétend que lorsqu’on n’a rien à se reprocher, on ne doit rien craindre. Mais moi je sens que quand on aime comme je t’aime, fût-on aussi sainte et aussi vertueuse que la Vierge Marie, on a [à] craindre de déplaire à son Toto sous quelque prétexte que ce soit, vrai ou faux, juste ou injuste. Et je t’aime tant et je te suis si fidèle.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 75-76
Transcription de Marie Rouat assistée de Gérard Pouchain

a) « permise ».
b) « cet ».
c) « moqué ».

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