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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 juin 1848

20 juin [1848], mardi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon trop bien-aimé, bonjour, mon doux adoré, bonjour. Comment vas-tu ce matin ? Est-ce que tu as passé la nuit tout entière ? Tu dois être épuisé de fatigue mon pauvre petit homme, comment feras-tu poura parler à cette assemblée fatigué comme tu le seras [1] ? Cela m’inquiète pour toi, sans parler de l’affreux regret que j’ai de ne pouvoir jamais entendre les admirables choses que tu dis en public. Cependant, tu m’avais bien promis de me donner ton premier billet qui doit être probablement pour aujourd’hui. Mais l’exactitude n’est pas ton fait quand il s’agit de moi, et puis je ne veux pas grogner ce matin parce que je t’aime, parce que je crains que tu souffres, parce que je te plains et parce que je t’adore. Je te souhaite au contraire beaucoup de succès…… de tribune et surtout beaucoup de succès parmi les neuf cents pour que tes idées prévalent et que tout ce qu’elles contiennent de généreux, de dévoué, de grand et de noble l’emporte sur leur étroite et mesquine et si dangereuse politique. Pour cela, mon cœur, mon âme, mes vœux et mon amour sont avec toi.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/32
Transcription de Joëlle Roubine

a) « pour pour ».


20 juin [1848], mardi après-midi, 1 h.

Voici bientôt le moment où tu dois aller à la chambre, mon cher petit représentant. Est-ce que tu ne viendras pas baigner tes pauvres yeux adorés ? Ils doivent être bien fatigués si tu as passé la nuit à lire et à écrire comme tu en avais l’intention hier au soir. Je ne te parle pas de moi et du besoin que j’ai de voir ta belle et douce figure. Pourtant, cela me ferait bien du bien car je suis triste et désolée dans le fond de mon âme. Il y a des époques dans la vie où les malheurs passés se ravivent et prennent une nouvelle sève et font refleurir dans l’âme toutes ces hideuses fleurs de douleurs qu’on croyait desséchées. Je suis dans un de ces moments tristes, mon doux adoré, et j’aurais besoin d’un regard de toi pour reprendre courage [2]. Malheureusement, tu ne t’appartiens pas, je le sais. Aussi, je me résigne le plus que je peux. Je tâche de ne penser qu’à toi. Je me retire dans mon amour comme dans une forteresse pour que le désespoir ne m’y atteignea pas. Je prie et je t’aime. Je t’attends et je te bénis.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/33
Transcription de Joëlle Roubine

a) « atteignent ».

Notes

[1Hugo prononce à l’Assemblée, le 20 juin 1848, son discours sur les ateliers nationaux (Actes et Paroles, I, p. 167 et suivantes).

[2Cette période est douloureuse dans le souvenir de Juliette : sa fille Claireest morte le 21 juin 1846.

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