9 novembre [1849], vendredi matin, 11 h.
Je m’inquiète déjà de savoir si je te verrai et si je pourrai te conduire tantôt. Quand je pense que tu m’as privée hier de ce bonheur-là sans nécessité, je ne suis pas très rassurée aujourd’hui où des obstacles plus sérieux peuvent se mettre entre nous pour me priver du pauvre petit moment de plaisir que j’attends avec tant d’impatience. Cependant je me dispose à t’accompagner avec une persévérance digne d’un meilleur sort. Je serai prête à une heure et demie comme nous en sommes convenus. Tâche de venir à cette heure-là pour que je puisse aller chez ma couturière utilement. En attendant pense un peu à ta pauvre vieille Juju et tâche de l’aimer aussi un peu. J’ai promis à la marquise [1] de la mener un jour à l’Assemblée qu’elle n’a pas encore vue. Ce sera pour mardi prochain si tu n’y vois pas d’obstacle. Du reste tu peux t’en rapporter à moi pour tout ce qui tient à la sécurité de notre amour et au respect de ta personne et de ta dignité qui sont le souci de toute ma vie. Tu n’as rien à craindre de ce côté-là, j’en suis archia sûre. Je voudrais être aussi sûre de ta fidélité et de l’honnêteté de tes relations avec les diverses Chaumontel de ta connaissance. Malheureusement il faut que je m’en rapporte entièrement à toi, ce qui n’est pas une caution suffisante pour me rassurer complètementb. J’aimerais mieux te voir par mes yeux, tout entendre de mes oreilles et ne vous laisser rien toucher.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16367, f. 297-298
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse
a) « archie ».
b) « complettement ».