1er août [1849], mercredi matin, 11 h.
N’oublie pas de t’informer de mes billets, mon amour bien aimé. Je tiens beaucoup à ne pas perdre mon tour, non pas que j’espère avoir deux fois la bonne et admirable chance de t’entendre, mais parce que je sais que je te verrai quelques heures de plus pendant la séance, ce à quoi je tiens de toute mon âme. Si j’osais, si je pouvais penser qu’en te le demandant à genoux et les mains jointes, tu le fasses, je te supplierais de demander deux billets pour le jour où tu parleras sur la loi d’enseignement [1]. Mais je connais ta répugnance pour ces sortes de demande et malgré tout mon désir de t’entendre une seconde fois je n’ose pas insister et je garde une prudente et très forcée discrétion. Avant tout je ne veux pas t’ennuyer de mes besoins et de mon admiration et de mon amour.
Avec tout cela, mon petit homme, vous n’êtes pas revenu hier au soir. Je ne vous en veux pas mais je n’aurais pas été absolument fâchée si vous étiez venu me dire un petit bonsoir. Cependant, sans reproche, je vous blanchis des mouchoirs à l’œil. C’est assez généreux pour une faible femme sans ressource. Si vous aviez le plus petit cœur pour moi, la plus légère reconnaissance, vous me donneriez plus souvent des bonsoirs et des bonjours, et des culottes de rechange. Taisez-vous, homme peu généreux, taisez-vous car c’est bien peu courageux ce que vous faites là.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16367, f. 219-220
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse