25 septembre [1845], jeudi matin, 8 h. ½
Bonjour, mon Toto, bonjour, mon petit Toto, il fait un froid de loup ce matin. Comment que ça va chez vous ? Votre cher petit nez est-il déjà hors de vos couvertures ? Avez-vous bien dormi ? Avez-vous pensé à moi ? M’avez-vous bien aimé ? Moi je vais bien à part un froid de chien qui me tienta courbée en deux comme la vieille centenaire de Cauterets [1]. Je vous aime, je vous attends, je vous désire et je vous adore. Je ne sais que penser du temps. Je ne sais pas si ce petit brouillard glacial est d’un bon augure pour demain, mais je m’en inquiète moins depuis que j’ai l’espoir que tu nous resteras tout de même, quelque temps qu’il fasse. Cependant je voudrais bien revoir les Metz [2]. Je te prierai même, s’il fait suffisamment beau demain, de commencer par là. C’est un pèlerinage que je tiens à faire depuis bien longtemps.
Je vais donc te posséder pendant deux vrais jours, à moi, à moi toute seule ! Ça n’est pas malheureux ! Par où vais-je commencer ? Je suis comme les provinciaux qui dînent pour la première fois au cabaret et qui ont la prétention de manger et de boire tout ce qu’il y a sur la carte, depuis le radis noir des hors-d’œuvreb, jusqu’à l’eau-de-vie de Dantzig et la liqueur de Mme Amphouxc [3] du dessert. Je veux vous boire et vous manger depuis le premier bouton de votre gilet jusqu’à la dernière semelle de vos souliers, et le reste. Baisez-moi et préparez-vous à être dévoré.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16360, f. 322-323
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « qui qui me tient ».
b) « des hors-d’œuvres ».
c) « Anfou ».