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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 août [1845], vendredi matin, 8 h.

Bonjour, mon doux, mon aimé, mon ravissant, mon adoré petit homme, bonjour, comment vas-tu ce matin ? Comment va ton rhume ? As-tu passé une bonne nuit ? Je me suis endormie le plus tard que j’ai pu pour garder plus longtemps l’impression de bonheur que m’a causéea ta chère petite visite hier au soir. Ne t’inquiète pas, mon adoré, de la tristesse inévitable dans laquelle tu me trouvesb chaque fois que je ne dois pas te voir longtemps. C’est mon amour même que tu vois. Il y a le côté heureux et le côté triste comme il y a le jour et la nuit. L’un ne va pas sans l’autre. Seulement je ne veux pas que tu te préoccupesc d’une chose qui ne dépend ni de toi, ni de moi. Laisse-moi être heureuse et malheureuse à discrétion. L’un m’est aussi nécessaire que l’autre pour vivre. Je ne peux pas plus retenir ma joie quand je te vois que renfermer mes regrets et mon chagrin quand je ne te vois pas. L’important est que tu ne t’inquiètesd pas.
Je voudrais bien que M. Louis t’ait dit si tu peux prendre des bains. Je n’ose pas te donner aucun avis dans la crainte de te faire du mal, mais je serais bien contente de pouvoir contribuer à te faire du bien, car j’espère que ce sera chez moi que tu prendras tes bains quand on te les permettra ? Je te demande la préférence sur l’établissement des bains au risque de les ruiner par cette concurrence. Baise-moi, adoré, et aime-moi. Tu es ma vie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 152-153
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « m’a causé ».
b) « tu me trouve ».
c) « tu te préocupe ».
d) « t’inquiète ».


15 août [1845], vendredi après-midi, 3 h. ¾

Tu n’as pas même pris le temps de baigner tes yeux, mon bien-aimé. Je sais que tu dois être très occupé mais il me semble que tu l’es encore plus que tes affaires ne le demandent. Enfin tu sais ce que tu as à faire. Moi je ne sais qu’une chose : t’aimer. Tu m’as promis de revenir ce soir. Ce sera beaucoup si tu peux tenir ta promesse. En attendant, je suis parfaitement seule. J’ai même donné congé à Suzanne pour toute la journée. La petite Julie [1] est repartie. Elle était venue savoir de tes nouvelles en même temps qu’elle allait à vêpres. Si j’avais eu le temps, je t’aurais demandé à aller voir Claire tantôt, mais tu étais si pressé que je n’ai pas pu te rien dire. Je resterai chez moi. Voilà tout.
Tu m’as paru très bien portant tout à l’heure. J’espère que l’apparence n’est pas trompeuse et que tu vas réellement très bien. Quant à ton rhume, dès que tu auras l’avis de M. Louis, je suis toute prête à te faire prendre des bains, s’il le permet. Bonjour, Toto, bonjour. Pense à moi si tu peux et tâche de venir me voir ce soir. J’ai un mal de tête fou. Je ne sais pas où me fourrer tant je souffre. Si je pensais que le lit me fasse du bien, je me coucherais. J’ai vraiment très mal à la tête, à peine si j’ai le courage de te gribouiller toutes ces insipides niaiseries. Je t’aime, j’aurais dû me borner à ce seul mot qui dit tout ce que j’éprouve mieux que toutes les infâmes pattes de mouche que je mets à la queue leu leu.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 154-155
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Julie Rivière.

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