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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 juillet [1845], vendredi matin, 10 h. ¼

Bonjour, mon Toto bien aimé, bien aimé, bien aimé. Bonjour, comment vas-tu aujourd’hui ? Ton cher petit pied, comment va-t-il par ce temps d’orage et de pluie ? Te verrai-je bientôt, mon Victor chéri ? Je ne peux pas m’empêcher de te faire cette question pas plus que je ne peux m’empêcher de le désirer de toutes mes forces. L’un ne va pas sans l’autre. Désirer te voir et te le dire, voilà l’unique souci et le seul sujet de conversation de ma vie. Quand tu travailles, je me résigne tant bien que mal. Ce n’est pas de l’impatience de mauvais caractère exigeant, c’est l’impatience d’un pauvre cœur qui souffre loin de toi. Tu le sais, n’est-ce pas, mon adoré, et tu ne m’en veux pas quand je te le laisse voir malgré moi ? Mon Victor bien-aimé, je baise tout ton ravissant petit corps depuis le petit bout de ton pied jusqu’à la petite pointe de tes cheveux. Je t’aime, je t’aime, je t’aime. Je te dis toujours la même chose mais cela ne m’humilie pas. Le bon Dieu faita tous les jours la même chose et on ne s’en plaint pas. Le soleil se lève tous les matins et se couche tous les soirs et on l’admire. Moi, pardon de l’assimilation, ma vanité n’y est pour rien, je t’aime tous les jours sans y rien changer, ce n’est pas de ma faute si je fais comme le bon Dieu et comme le soleil. Je suis dans mon droit et j’y reste.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 23-24
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « le bon Dieu fais ».


11 juillet [1845], vendredi après-midi, 3 h. ½

Je te plains, mon cher petit bien-aimé, d’être forcé de marcher par ce vilain temps de pluie et de chaleur avec ton pauvre pied malade, car, outre l’ennui de se sentir le pied mouillé, il y a [à] craindre les maux de gorge et le rhume. Aussi, chaque fois que la pluie recommence, je donne le bon Dieu au diable pour lui apprendre à ne pas mieux faire son devoir envers toi. Je ne me plaindrais pas, et je ne te plaindrais pas non plus peut-être, tant l’égoïsme est une chose naturelle, si cela te forçait à venir lire les journaux sur ma chaise longue. Mais comme je n’y gagne rien que l’inquiétude de te savoir barbotanta dans les ruisseaux de Paris, je me permets de blâmer hautement cet arrosement permanent.
Jour, Toto, jour, mon cher petit o, je te remercie d’avoir pensé à travers toutes tes préoccupationsb à me faire écrire à cette pauvre Mme Luthereau. Tu es bon mon cher adoré, aussi bon que tu es grand et beau et sublime. Je t’aime de toute mon âme.
J’ai écrit à Mme Luthereau et à ma soeur en même temps. Cette pauvre femme a bien besoin de se sentir plaintec et aimée elle aussi. Cela me fait souvenir qu’il faut que je mette sous ta main la lettre de ce malheureux Journet. La note qui accompagne sa lettre prouve que son repentir et sa bonne conduite ne se sont pas démentis depuis 10 ans  ! Il attend sa récompense d’un mot de toi. Tu le lui donneras, j’en suis sûre. Et puis je te bénirai et je t’adorerai comme toujours.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 25-26
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « barbottant ».
b) « préocupations ».
c) « plaint ».

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