Guernesey, 26 avril 1859, mardi matin, 8 h.
Bonjour, mon cher bien-aimé ; bonjour dans toute la plénitude de mon amour, c’est-à-dire de ma santé, c’est-à-dire de mon bonheur. J’ai passé une bonne nuit pour moi, j’espère que tu auras fait la même chose et que tu te portes aussi bien que je t’aime ce matin. Le temps est mauvais et maussade aujourd’hui, mais ta pensée rayonne et fait la lumière dans mon cœur et sur ma vie et je suis heureuse et mon âme s’ébat à ton soleil. Pauvre cher bon grand bien-aimé, comment te remercier de la nouvelle marque de tendresse et de sollicitude charmante et touchante que tu m’as donnée hier en m’amenant le docteur qui, heureusement pour moi, n’avait rien à faire dans cette bagarre de domestiques. Dans l’impossibilité de baiser tes pieds jusqu’à en mourir de reconnaissance et d’attendrissement, je réponds à ton ineffable dévouement par une brusquerie simulée dont tu ne peux pas être la dupe car en même temps l’amour me sort par tous les pores. Sois béni, mon cher bien-aimé, dans le bonheur et la santé de tous ceux que tu aimes, moi comprise, et laisse-moi t’adorer à deux genoux.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16380, f. 110
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette