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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 avril 1838

7 avril [1838], samedi matin 11 h.

Bonjour mon cher bien-aimé. Bonjour mon adoré. Je t’aime, et toi ? Tu ne viens pas, mon Toto, je ne te gronde pas mais je suis triste. Je crains que tu ne prennes l’habitude de me laisser toujours seule la nuit et le matin, ce qui réduirait à zéro notre bonheur d’amour. Certainement je suis bien heureuse de te voir quelques instants dans la journée mais cela ne suffit pas. En somme je n’ai pas 97 ans ni toi non plus et j’ai autant de jalousie que d’amour.
J’ai une nouvelle à t’apprendre qui sans doute te fera plaisir : ce que nous attendions est arrivé. Moi qui n’ai pas les mêmes raisons que toi pour me réjouir je reste parfaitement indifférente à cet incident. Jour mon petit Toto. Je suis très bête ce matin, je m’attendais à ce que vous viendriez et le désappointement me rend stupide. C’est encore le 15 avril qui en est la cause ? Que le diable l’emporte avec tous les mois, tous les jours, toutes les heures où tu travailles. Je finis par prendre en horreur ce mot-là : travailler. Pour notre bonheur c’est le synonyme de peste, de choléra, de mort et d’indifférence. Je suis bien triste ! Un beau jour je prendrai mes jambes à mon cou et tu ne me reverras plus. Tu pourras au moins te reposer, pauvre bien-aimé courageux, et prendre le temps de regretter de n’avoir pas eu celui de m’aimer. Oh ! Je t’aime trop. Maintenant c’est à la rage.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 22-23
Transcription de Mathieu Chadebec assisté de Gérard Pouchain


7 avril [1838], samedi soir 5 h. ¼

J’avais cru, mon cher bijou, vous voir passera tout à l’heure au bout de ma rue en compagnie d’un monsieur et avec un livre sous le bras. J’espère que je me suis trompée et que vous n’aurez pas eu la cruauté de passer presque sous mon nez sans m’apporter votre cher petit museau à baiser. Il fait un bien vilain temps noir, ce qui influe, je crois, sur mon humeur qui n’est pas couleur de rose aujourd’hui. Je vous aime trop, mon Toto, pour être gaie et heureuse pendant vos éternelles absences, et si je n’avais pas toujours l’espoir que vous allez revenir aux anciennes habitudes si bonnes et si ravissantes je m’en irais bien loin où vous ne pourriez plus me rattraper. Mais tu ne me laisseras pas faire ce coup de désespoir, n’est-ce pas mon amour ? et tu viendras tous les jours et toutes les nuits auprès de ta pauvre vieille Juju qui t’adore comme le premier jour ! si tu fais cela je serai bien heureuse et j’oublierai tout ce que j’ai souffert depuis un an à t’attendre toujours inutilement. En attendant j’aurai le plus de courage et de patience que je pourrai en t’aimant de tout mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 24-25
Transcription de Mathieu Chadebec assisté de Gérard Pouchain

a) « passé ».

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