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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 février [1844], samedi matin, 10 h. ½

Bonjour, mon Toto bien aimé. Bonjour mon cher petit homme, je vous aime. Comment- allez-vous ce matin ? Comment vont vos beaux yeux adorés ? Je voudrais bien les baiser sans leur faire de mal. Si vous sortez, comme c’est probable, venez me voir et je profiterai de l’occasion pour vous embrasser depuis la tête jusqu’aux pieds. Je n’ai pas pitié de vous ce matin, il fait un temps charmant, un peu vif, juste comme je l’aime. Je ne vous demanderai pas à sortir parce que c’est aujourd’hui mon peignageà fond et que j’attends ma pauvre péronnelle [1]. Mais lundi s’il fait ce temps-là vous aurez toutes les peines du monde à vous débarrasser de moi. D’ici-là, vous êtes sûr que je vous laisserai tranquille, pour les sorties du moins, car pour le reste, je suis capable de tout. Je le peux avec d’autant moins de scrupules que vous ne me tenez pas compte de mes attaques et de mes provocations. Vous êtes fisque [2] et mobile comme le cavalier à pied tournant le dos à son cheval. Vous vous contentez le plus souvent d’aller faire un tour aux Champs-Lysées [3] C’est peut-être bon pour vos yeux mais c’est très malsain pour l’amour.
Enfin, puisque c’est votre chica maintenant, il faut bien que je m’y résigne. Seulement je ne vous conseille pas d’envoyer aux renseignements auprès de moi. J’en donnerai de si satisfaisants que tout le beaub sexe s’enfuira à votre approche comme une seule femme. Taisez-vous, vilain, vous n’êtes pas très drôle. Si je pouvais vous détester, quel bonheur !!!

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 129-130
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « chique ».
b) « beaux ».


3 février [1844], samedi soir, 5 h. ¾

C’est tous les jours la même chose, mon Toto, soit qu’il gèle ou qu’il dégèle, je vous vois un quart d’heure dans toute la journée. Je suis lasse de toujours me plaindre, je finirai par ne plus rien dire et peut-être aussi m’habituerai-je à cet état de chose et que je finirai par ne plus m’en apercevoir. Voime, voime, ma pauvre Chichi, compte là-dessus, bois de l’eau et tiens-toi le ventre libre en attendant.
J’ai vu la mère Triger un instant. Elle m’a dit qu’elle viendrait dîner demain. Je m’en serais bien passée puisque j’ai ma péronnelle [4] mais il y a des ennuis qu’il faut accepter, celui- ci en est un, quand j’ai ma fille avec moi. Du reste, elle n’est pas encore arrivée. Je frémis en pensant à l’état de chien [confit ?] dans lequel je vais la voir. La scélérate ne sait pas marcher et ne prend aucune précaution pour se garantir du barbotagea et des ruisseaux.
Toto, je suis furieuse, je me retiens le plus que je peux mais le fait est que je crève de rage et de jalousie dans ma peau de Juju. Prenez-garde à vous car le jour où cela vous tombera sur la bosse vous m’en direz des bonnes nouvelles. En attendant je dissimule mais ne vous y fiez pas : j’embrasse mon Toto mais c’est pour le griffer.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 131-132
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « barbottage ».

Notes

[1Nom donné à sa fille, Claire Pradier.

[2Déformation volontaire de « fixe ».

[3On trouve cette graphie dans plusieurs lettres de l’année 1844. Les lettres des 25 et 26 septembre laissent penser qu’il s’agit du nom d’un chat adopté par Hugo tandis que celle du 6 octobre désigne bien l’avenue. La déformation imaginée par Juliette a sans doute inspiré le nom du chat.

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