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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 décembre [1842], vendredi matin, 11 h. ¼a

Bonjour, mon Toto bien aimé, bonjour. Je baise tes quatre petites pattes blanches. Bonjour, bonjour, bonjour je t’aime. Si tu m’apportes du [fil] d’or tantôt, je ferai le sac de D.D [1] et tu pourras le lui donner ce soir si tu veux. En même temps, cela te fera penser à dire à cette petite bonne femme de chercher dans son garde-meuble toutes les vieilleries hors d’âge et de service. Je serais très contente si je pouvais, grâce à elle et à son frère, envoyer quelques choses à mes pauvres petits bas-bretons [2]. Du reste, je n’ai pas encore de cocotte et je reprend l’espoir d’échapper à l’influence du vendredi [3] car l’heure de la poste est bientôt passée. Je voudrais même que quelque incident l’empêche de venir (la cocotteb) d’ici à deux ou trois mois à cause de ce moment de l’année ou nous avons tant de charges. Je te le dis comme je le pense et comme je le sens, mon adoré, et s’il dépendait de moi, aucune dépense inutile ne devrait ajouter à celles dont nous ne pouvons nous dispenser. Espérons, peut-être en serons nous quitte cette fois pour la peur. Il me semble, mon Toto, que vous ne répétez pas beaucoup et cependant je ne vous en vois pas davantage. Qu’est-ce que cela veut dire ? Vous m’aviez promis de me lire votre pièce [4] avant la représentation et vous ne le faîtes pas. Vous m’aviez promis un laissez passer et vous ne me l’avez pas encore donné. Tout cela n’annonce pas une grande bonne foi ni un grand désir de me faire plaisir. Sans parler d’autre chose que vous promettez encore plus et que vous tenez aussi peu que le reste. Il faudra que je me fâche pour de bon et que je vous montre mes grosses dents pour voir si cela vous fera plus d’effets que les caresses, mais j’en doute.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 313-314
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) La lettre indique « samedi 23 décembre, 11 h. ¼ du matin ». Le samedi est barré et « vendredi » est inscrit en dessous, vraisemblablement d’une autre main.
b) Indication écrite entre les lignes.


23 décembre [1842], vendredi soir, 5 h. ¼

Je n’ai pas l’ombre d’une cocotte jusqu’à présent et je fais des vœux bien sincères pour qu’il ne m’en arrive pas d’ici à longtemps pour économiser la bourse de mon pauvre Toto. J’ai reçu une lettre de Mlle Hureau très gentille qui m’annonce la visite de sa sœur peut-être pour aujourd’hui et la sienne avec ma fille pour demain. Du reste, tu verras ce que contient sa lettre et ce qu’elle pense de Claire. En attendant, je voudrais bien te voir, moi, il me semble qu’il [y ?] a plusieurs siècles que cela ne m’est arrivé. Vous devriez vous dépêcher un peu plus que ça. Peut-être aussi est-ce l’affreux mauvais temps qui fait qui t’empêche de venir. Je n’en ai jamais vu un plus crotté et plus triste ! Il est vrai que tu auras été forcé d’aller à ta répétition [5] et qu’il ne t’en coûtera pas plus de pousser jusque chez moi, du moins je le pense. Jour Toto. Jour mon cher petit o. Je voudrais vous dire des sottises mais je n’ose pas. Je voudrais vous battre mais je crains de ne pouvoir pas vous faire assez de mal. Je vous aime, je vous trouve charmant et je vous adore mais je suis furieuse contre vous. Ce qui me procure une espèce de plaisir désagréable et agaçant qui me porte à vous fiche des coups et des baisers en même temps. Taisez-vous, vous êtes une bête. Tâchez de penser à mes commissions et à m’apporter du fil d’or si vous voulez que je vous donne le fameux petit sac. Et puis, baisez-moi, scélérat.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 315-316
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Graphie fantaisiste de Dédé.

[2Désigne les neveux de Juliette Douet, fils de Louis Koch, et de sa sœur René-Françoise Gauvain, à qui Juliette veut envoyer des cadeaux.

[3La précédente perruche de Juliette, Cocotte, était arrivé chez elle un vendredi, jour porte-malheur pour Juliette. Elle y voit une « explication » de l’agressivité de la perruche qu’elle a finalement donnée à Adèle Hugo, fille de Victor Hugo.

[4Le Burgraves, que Hugo a achevés le 19 octobre et pour laquelle il conduit des répétitions. La première aura lieu le 7 mars 1843.

[5Hugo est en train de répéter Les Burgraves, dont il a fait la lecture le 23 novembre 1842.

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