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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 avril 1837

30 avril [1837], dimanche matin, 9 h. ½

Bonjour mon cher petit homme, je vous aime de toute mon âme, quoiqu’il vous ait plu de m’attraper encore ce matin. Je ne vous pardonne cette nouvelle déception qu’à la seule condition que vous vous serez bien reposé et que vous aurez dormi jusqu’à présent. Je pourrai du moins me consoler avec la pensée que vous avez pris du repos et peut-être autre chose pour un avenir très prochain. Il fait toujours un temps affreux ce qui sera bien désagréable pour les deux jours où j’aurai ma pauvre Claire. Je m’occupe de l’état du ciel parce qu’il influe très sensiblement sur ma santé et que j’ai à te répondre là-dessus parce que tu me crois triste, ce qui n’est pas vrai. Si tu savais une bonne fois pour toutes, mon cher bien-aimé, que je ne suis triste que de ton absence, que je ne suis gaie et heureuse que de ta vue, tu ne t’inquièterais pas des apparences qui me font paraître triste sans sujet. Je suis un peu souffrante depuis quelques jours mais cela tient à une époque et un peu au mauvais temps. Mais les idées, mais le cœur, mais l’âme sont parfaitement à l’abri de ces influences et, je te le répète, il n’y a que toi au monde qui me rende triste ou gaie. Dans ce moment il dépend de vous que je sois très geaie et que je pousse d’affreux cris de joie. Mais comme vous ne faites pas ce qu’il faut pour cela je suis triste. Je t’aime, je t’aime, viens vite, je t’aime. Je te baise de la pensée et de l’âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16330, f. 105-106
Transcription de Chantal Brière


30 avril [1837], dimanche soir, 10 h. ½

Je te remercie du fond de l’âme, mon cher adoré, d’avoir désiré que je t’écrive car malgré tout l’amour que j’ai pour toi si tu ne me l’avais pas demandé avec instance je ne l’aurais pas fait tant j’ai l’âme profondément triste et le cœur découragé. Aussi, mon cher bien-aimé, je suis bien reconnaissante de l’insistance que tu as mise et de la bonne promesse que tu m’as faitea. Si tu la tiens il est presque sûr que tu guériras l’affreuse plaie que j’ai rouverte ce matin. Si tu [m’écris ?] comme tu en as eu la bonne pensée je crois que j’oublierai tout ce que tu m’as dit de triste et de menaçant sur notre avenir. Tu ne peux pas savoir, mon pauvre ange, jusqu’où va mon désespoir. Si tu le savais tu serais effrayé pour moi. Mais, va, je suis si malheureuse que si tu ne fais pas quelques efforts pour m’empêcher de succomber à l’horrible découragement qui s’est emparé de moi, je serai bientôt hors de combat. Je suis bien malheureuse, mon pauvre Toto, bien malheureuse. Je veux tâcher de ne pas pleurer en te disant cela et voilà que j’étouffe comme tantôt. Je voudrais m’enfuir bien loin pour te délivrer de moi car je vois bien que trois ans de patience et de résignation de tout genre n’ont pas pu me mériter ta confiance pour les choses les plus simples et j’en ai tant de chagrin que je ne sais plus que faire. Je suis vraiment bien à plaindre. Mon Dieu, mon Dieu, que je souffre et que je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16330, f. 107-108
Transcription de Chantal Brière

a) « faites ».


30 avril [1837], dimanche soir, 10 h. ¾

Tu vois, mon pauvre bien-aimé, que je fais bien tout ce que je peux pour gagner la bonne petite lettre que tu m’as promise. Je te promets si tu me la donnes de faire tout mon possible pour être gaie et pour avoir de la confiance en l’avenir. Ce ne sera pas un mince triomphe car je t’assure que j’ai bien de l’amertume et bien de la tristesse dans l’âme et un si profond découragement que je doute encore que je puisse lesa surmonter. Enfin ta bonne lettre fera ce miracle-là, je l’espère. Mais j’en ai bien besoin car j’ai bien souffert et mes forces sont épuisées. Je te demande pardon de te laisser voir le fond de mon cœur dans ce moment où il est plein de chagrin mêlé avec l’amour. Jusqu’à présent j’avais tenu bon mais cette journée a fait une horrible brèche par laquelle sont entrées toutes les choses amères et cruelles que tu m’as dites. Je ne t’en aime pas moins, mon cher bien-aimé, mais je souffre plus que je n’ai jamais souffert. Cependant tu as été bien bon et bien consolant depuis ce matin et si mon mal n’avait pas cette fois un caractère plus grave et plus tenace je l’aurais déjà oublié dans tes bonnes paroles [avec moi ?]. Mon cher bien-aimé, écris-moi, ce sera avec ce baumeb mon espoir, ma gaieté et mon bonheur que tu me rendras. Et je te bénirai, je t’aimerai sans peur comme autrefois.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16330, f. 109-110
Transcription de Chantal Brière

a) « la ».
b) « beaume ».

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