9 décembre [1837], samedi, midi ¾
Bonjour mon cher bien-aimé. Si tu pouvais venir comme hier, que ça serait donc gentil. Je n’ai pas dormi de la nuit et ce matin à 8 h. j’étais réveillée. Je n’ai pas voulu faire ouvrir mes fenêtres pour tâcher de me rendormir. Jusqu’à 11 h. je me suis tournée et retournée dans mon lit, enfin j’ai sommeilléa jusqu’à présent. Je suis épuisée de fatigue et de mal de tête. Si je ne dors pas mieux la nuit prochaine je tomberai malade car je n’en peux déjà plus.
Je ne me lève pas à présent pour ne pas allumer mon feu. Si tu venais tu trouverais ma place chaude et je te la donnerais avec bien de la joie à la condition de la partager avec vous. Mon Dieu quel temps, on croirait qu’il est 6 h. du soir. J’y vois à peine pour t’écrire. Heureusement que ce que j’ai à te dire je peux le faire les yeux bandés. Je t’aime, c’est aussi simple que cela. Jour no no. Puisque vous vous permettez de me débaptiser j’en FAIS autant à votre égard [1]. Dites-donc mon petit homme, il y a plus de 8 jours que vous n’avez couchire n’avec moi [2]. Vous en êtes-vous aperçub ? Voime, voime.
Heureusement que c’est aujourd’hui samedi, demain dimanche, après-demain lundi et enfin après MARDI jour de la délivrance [3]. Quel bonheur. D’ici là je vais joliment m’impatienter et trouver le temps long, surtout si tu ne viens que cinq minutes par jour. Hélas ! Si tu voulais il me semble que tu pourrais faire autrement. Je t’aime, moi, et je veux toujours t’aimer et te voir.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16332, f. 152-153
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein
a) « sommeillée ».
b) « apperçu ».
9 décembre [1837a], samedi soir, 10 h ½
Si je ne craignais pas que tu n’interprètes mon silence en bouderie, je ne t’aurais pas écrit ce soir. J’ai si mal à la tête, je suis si abattue que je n’ai pas le courage d’ouvrir les yeux. Tu me tiendras compte de cette disposition pour tout ce que je te dirai ce soir car excepté mon amour je ne vois ni ne sens rien. Je vais faire bassiner mon lit et me coucher. Ne m’en veux pas mon bien-aimé, mais t’écrire plus longuement serait au-dessus de mes forces. Je t’aime, je t’adore, c’est bien assez n’est-ce pas ? Et tu n’en demandes pas tant. Soir pa, soir man.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16332, f. 154
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein