Lundi soir, 7 h. ½
À partir du lundi 24 août 1835 [1]
Mon pauvre cher bien-aimé, je viens d’avoir un accès de tristesse dont je te demande pardon car jamais je ne t’ai plus aimé qu’à présent, jamais non plus je n’ai sentia plus vivement l’impossibilité de te quitter. La comparaison de ta position avec la mienne m’attriste souvent, je trouve que tu as trop d’éléments de bonheur qui me sont étrangers. Pardonne-moi ce petit sentiment d’envie qui n’est, à bien considérer, que de la jalousie. Mon bon chéri, je ferai tous mes efforts pour n’avoir plus de ces accès de tristesse qui t’éloignent de moi plus qu’ils ne t’en rapprochent. Le besoin de tranquillité d’esprit d’une part, l’ennui de voir un visage triste de l’autre, peuvent te fatiguer à la fin. Je le sens et je me promets d’être plus forte et plus gaie à l’avenir.
Je suis un peu malade ce soir. J’ai un mal de tête féroce. Je vais me coucher. Quand tu viendras, tu frapperas, je t’ouvrirai parce que tu as oublié ta clef.
Tu verras si je t’aime.
Je voudrais être encore, je voudrais être toujours à Tracy-le-Mont [2]. Je voudrais y être avec toi, tu verrais si je suis triste.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16324, f. 194-195
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « sentie ».