Des Metz, jeudi matin [10 septembre 1835, 9 h. ½
Bonjour, mon adoré, bonjour, je t’aime. Je suis bien triste parce que je vois le temps pris pour toute la journée et je crains bien que ce ne soit un empêchement pour te voir aujourd’hui. À mon tour, je te dis : PENSE A L’ABSENTE.
Je me suis couchée hier à 9 h. du soir. J’étais bien lasse, j’ai fort peu lu mais en revanche, j’ai bien pensé à toi, c’est-à-dire que je t’ai aimé de toute mon âme. Je me suis endormie dans ta pensée. Je me suis réveillée plusieurs foisa dans la nuit. J’attribue cela à la première découchée [1]. Il faut s’habituer à un lit pour y dormir bien seule. Je me suis levée ce matin à 8 h. J’ai rangéb encore un peu. Dans ce moment-ci, je fais nettoyerc partout à l’eau chaude. Après quoi, je ferai tailler le fameux peignoir que je coudrai malheureusement moi-même, parce que coudre pour moi, c’est ne pas te voir. Toutes ces occupations ne feront pas que je ne pense à toi de toutes mes pensées. Aussi vais-je m’en donner de toutes les couleurs mais je crois qu’aujourd’hui le GRIS dominera.
Mon cher petit homme, il est impossible de vous aimer comme je fais sans que les petites contrariétés dans l’amour ne deviennent des malheurs du premier ordre.
À bientôt, puisses-tud venir tout de suite, je donnerais bien des jours de ma vie pour cela.
Je t’aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16324, f. 244-245
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « je me suis réveillée à plusieurs fois ».
b) « rangée ».
c) « netoyer ».
d) « puisse-tu ».