Guernesey, 7 janvier 1859, vendredi matin, 9 h.
Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour comme je t’aime, c’est-à-dire de tout mon cœur et de toute mon âme. As-tu bien dormi cette nuit ? Est-ce que tu es rentré bien tard, mon pauvre adoré ? Tu me diras cela tantôt quand je te verrai. En attendant, il m’a semblé que tu étais dans ton lucoot hier tout de suite après m’avoir quittée ? Peut-être était-ce une servante qui faisait ta couverture. J’ai remarqué en outre que la grande lumière de la salle à manger n’avait pas diminué jusqu’au moment où je me suis couchée (10 h.). Est-ce qu’on ne l’éteint pas dès que vous êtes sortis de table ? Je te fais part de mes observations pour le cas où elles pourraient te servir à réprimer une négligence et à faire une économie, mon cher bien-aimé, tu le comprends bien ainsi, n’est-ce pas ? Maintenant, je te fais souvenir que j’attends après ta copire. Dès que tu me l’auras donnée, je me remettrai AU TRAVAIL, si on peut appeler travail le plus grand bonheur du monde. Du reste, je n’ai pas encore écrit un traître mot à personne. Je vais tâcher de profiter de cette journée pour faire cette corvée de fond en comble. Pour cela, il ne faut pas que je cherche mes puces trop longtemps et que je fasse MON MÉNAGE de trop près. Mais rien au monde ne m’empêchera de t’aimer et de te baiser du haut en bas.
BnF, Mss, NAF 16380, f. 7
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette