Il est bien plus de 11 h. Je ne t’attends plus pour sortir, mais j’espère encore te voir ce soir. Je t’écris ces quelques lignes pour me justifier du chagrin que j’ai chaque fois que je ne te vois pas. Je souffre, mais je ne t’en veux pas. Je pleure, mais je ne t’accuse pas. Je suis souvent très à plaindre, mais je ne cesse pas de t’aimer à l’adoration. Je voudrais que tu en fusses bien sûra, il me semble que je supporterais avec plus de résignation ma mauvaise position. Je crains que tu ne me comprennes pas dans mon amour. Cette crainte me rend souvent la journée bien longue et bien triste.
Mais j’oublie en t’écrivant que tu travailles, que tu es bien fatigué, que tu n’as ni le temps, ni la force d’écouter, c’est-à-dire de lire tous mes tourments.
11 h. ½ du soir
Te voilà. Je finis ma lettre avec encore plus de désordre que de coutume, calembourb à part. Ce n’est pas toujours dans l’écriture qu’on retrouve le caractère, et le cœur encore moins.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16323, f. 243-244
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Guimbaud]
a) « sure ».
b) « calembourg ».