Samedi soir, 9 h. ¼
Je ne t’écrirai pas une longue longue lettre encore cette fois-ci. Mais qu’importe, si je mets dans un seul mot toute mon âme, toute ma vie, tout mon amour. D’ailleurs est-ce que je fais autre chose que de penser à toi ? Est-ce que je parle d’autre chose que de toi ? Est-ce que j’aime quelqu’un avec toi ? Non, n’est-ce pas. Tu en [es] bien sûr, mon Toto bien aimé ? Si tu savais comme je suis joyeuse quand je t’ai gagné une âme, un esprit, un sentiment, une admiration ! Il me semble que j’accomplis ma mission comme faisaienta les apôtres avec le Christ. Toutes ces voix isolées qu’on recueille çà et là pendant la vie formeront au jour de la Justice un grand chœur qui sera la voix du monde qui t’admirera, te louera, et te bénira. Moi, j’anticipe sur cet avenir-là et dès le jour où je t’ai connu, je t’ai admiré, je t’ai loué, je t’ai béni, je t’ai aimé. ---bMais te voilà. C’est donc ta faute si je ne t’en écris pas jusqu’à demain.
Je vais te baiser.
Juliette
[Adresse]
À toi mon Victor
BnF, Mss, NAF 16323, f. 169-170
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « faisais ».
b) Un trait court jusqu’à la fin de la ligne.