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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 avril 1843, samedi matin, 11 h. ½

Bonjour, mon petit Toto bien-aimé. Bonjour, mon cher adoré, comment vas-tu ce matin ? Tu n’es pas venu, méchant, mais je m’y attendais. Je sais trop bien que tu n’as pas coutume de faire deux repas chez moi dans la même journée. Aussi je t’attends ce soir avec bien de l’impatience. J’espère, cependant, que tu viendras avant ce temps-là car ça serait trop long. J’espère aussi, mon bien-aimé, que tu ne feras qu’entrer et sortir au théâtre ce soir. Il serait bien triste pour moi, de savoir que tu y restesa plus longtemps les jours où je n’y suis pas. Pense que je t’attends, que je te désire et que je t’aime, trois choses dont une seule fait paraître le temps éternellement long à plus forte raison quand elles sont réunies toutes les trois. Le temps paraît être propice pour ce soir. C’est dommage que les circonstances le soient si peu. Le jeu de Beauvallet surtout est pour beaucoup dans cette affaire. J’ai rarement vu jouer avec ce cabotinage. J’ai hâte que cet homme ait renoncé tout à fait au rôle, plût à Dieu qu’il ne l’ait jamais joué et que ce fût Frédéric [1] qui eût créé le rôle et le joue. Mais, comme tu le dis, tout cela n’est que l’affaire du moment et l’ouvrage en dehors de la scène n’en reste pas moins le chef-d’œuvre de tes chefs-d’œuvreb. Je t’aime mon Victor adoré. Je voudrais faire quelque chose qui pût te prouver mon amour comme je le sens : je voudrais mourir pour toi. En attendant, je vis pour t’aimer et pour t’adorer de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16352, f. 53-54
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « reste ».
b) « chefs-d’œuvres ».


22 avril 1843, samedi après-midi, 3 h. ¼

Je viens de faire la recherche sur Pfaffenhauphen [2] que tu m’as demandée hier. Voici ce que j’ai constaté : – dernier argent donné le 12 mars 1839 200 F. En même temps j’ai fait une autre découverte qui, pour n’être pas aimable n’en était pas moins très utile. C’est lundi 24 qu’échoient les deux plus fortesa reconnaissances montant ensemble à 750 F. Heureusement que je n’avais encore payé personne et que j’aurai l’argent pour cela et au-delà. Il est vrai que j’ai écritb à la blanchisseuse de dentelle qu’elle pouvait venir chercher son argent, qu’il était tout prêt  ; ce qui m’expose à avoir un faux air d’une blagueuse si elle vient chercher son argent ce jour-ci.
Voilà un beau gribouillis, j’espère, voime, voime, mais dont tu te passerais bien et moi aussi. Cependant, il n’en est pas moins très heureux que j’aie eu à fouiller dans mes papiers car sans cela je laissais passer la date, ce qui m’exposait à perdre quelque chose comme cinq [illis.] francs. Mais j’y pense, mon pauvre adoré, je dis que j’aurai au-delà de ce qu’ilc faut pour payer le renouvellement, c’est-à-dire que je n’aurai pas assez : j’ai 66 F. et ce sera au moins 80 F. Quel mois mon Dieu ! le loyer, la pension de Claire, le Mont-de-piété, Pfaffenauphen tout à la fois. Si mon amour pouvait se convertir en argent, tu ne t’apercevraisd pas de cet encombrement et tu serais le plus riche des hommes comme tu en es le plus aimé mais hélas ça n’est pas possible.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16352, f. 55-56
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « forte »
b) « écris »
c) « qui »
d) « appercevrais »

Notes

[1Frédéric Lemaître a créé Ruy Blas.

[2Ville du Bas-Rhin où le Général Léopold Hugo, père de Victor, a été en garnison.

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