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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 avril 1843, vendredi après-midi, 4 h. ¾

Tu as bien fait de venir ce matin, mon bien-aimé, car j’étais bien triste et bien découragée depuis deux jours. Merci, mon cher amour, merci tu m’as redonné de la confiance et du bonheur pour un bout de temps. Mais tu me comblerais de joie si tu me disais tout à l’heure que nous ferons à coup sûr un vrai voyage dans deux mois. Je suis très gouliafre comme tu vois mais c’est que je jeûne depuis longtemps. D’ailleurs sans jeûner je suis toujours aussi affamée de toi. Malheureusement je ne vois rien se décider et je suis sûre que cette année se passera en promesses comme les autres. Cependant ce n’est pas aujourd’hui qu’il faut que je me plaigne car j’ai été trop heureuse ce matin pour grogner ce soir. Je renfonce donc mes grogneries à venir et je te baise partout et ailleurs encore plus fort. Tâchez de m’apporter le petit reliquaire ou craignez ma vengeance. Et ma culotte, scélérat, quand comptez-vous me la livrer ? Voilà deux ans et demia que vous me la promettez. Promettre et tenir c’est deux avec vous, c’est-à-dire deux ans et demia d’écoute-s’il-pleut. Décidément j’ai bien envie de vous grogner nonobstant le petit morceau de bonheur que j’ai engloutib ce matin. Il faut que je me tienne à quatre pour ne pas vous faire une scène de tous les diables.
Voilà un bien beau temps mon amour et dont j’aurais bien voulu profiter avec vous. Mais vous n’êtes pas si bête que de vous prodiguer deux fois le même jour. Voilà bien longtemps que je le reconnais pour la première fois. Taisez-vous et apportez-moi mon petit reliquaire. Jour Toto, jour mon cher petit o, je t’aime. Pense à moi et viens vite me baiser. J’ai apprêté l’argent des contributions pour l’envoyer ce soir. J’ai fait en outre la note de tout mon arriéré qui se monte à 115 F. plus l’huile et le vin, ce qui ferait à peu près 150 F., sans compter le loyer et la pension. C’est un mois horriblement lourd que celui-ci. Je ne sais pas comment tu pourras t’en tirer. Si j’étais assez heureuse pour pouvoir te venir en aide, quelle joie pour moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16352, f. 29-30
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « demie »
b) « engloutie »

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