Dimanche, 8 h. du soir
Mon bon chéri, je n’ai pas de mots pour te dire le ravissement où je suis depuis que j’ai entendua de ta bouche ces deux sublimes pièces de vers, l’une sur la vieilleb révolution, l’autre sur les deux Napoléonc [1].
Mais qui donc pourra dire ce que tu étais toi ? Personne, à moins que Dieu lui-même ne se fasse homme une seconde fois. Mon cher petit Toto, ne te moque pas de moi. Je sens bien des choses que je ne peux pas dire, encore moins écrire, mais je t’aime, mais je t’admire, mais quand je pense à ce que tu es, je suis émerveillée. Depuis que tu m’as quittéed, j’ai relue une seconde fois « Napoléon II ». Je ne m’en lasse pas, je vais le mettre à coucher auprès de moi.
Tu m’as dit de t’attendre jusqu’à 9 h. ½. Après quoi je me coucherai. Dans le cas où tu ne viendrais qu’après l’heure convenue, c’est moi qui t’ouvrirai la porte puisque tu as oublié ta clef. Je veux que ce soit moi qui t’ouvre pour ne pas perdre une parcelle du bonheur de t’avoir.
À bientôt, n’est-ce pas, et à bien tard quand tu liras ma lettre. Dors bien, bonsoir, ne souffre pas, ne travaille pas, dormez.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16323, f. 133-134
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Guimbaud]
a) « entendue ».
b) « vielle ».
c) « les deux Napoléons ».
d) « quitté ».
e) « relue ».