Paris, 1er juin [18]72, samedi soir, 7 [h.]
Cher bien-aimé, je ne sais pas si j’aurai le temps d’achever cet informe gribouillis, même en ne mettant que la moitié des syllabes nécessaires. Cependant je tiens à bien finir cette journée commencée si laborieusement en te disant tout d’un trait le mot du commencement et le mot de la fin : je t’aime. J’avais aujourd’hui mes comptes du mois à faire en partie double de compte à demi [1] avec une effroyable migraine, ce qui fait que je commence seulement à mettre mon cœur en règle après avoir donné toute ma journée aux chiffres. Je t’aime. Je t’aime. Je t’aime avec tous les amours additionnels et sans total comme l’infini. Ça n’est peut-être pas très clair ce que je te dis là et pourtant je me comprends. C’est toi probablement. Je signe : je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 152
Transcription de Guy Rosa