Paris, 11 mai [18]72, samedi, 9 h. ½ du soir
Je crois savoir que tu es allé à la répétition de Berton. J’espère que tu en reviendras bientôt et que tu viendras me voir en passant. En attendant, mon cher bien-aimé, je remarque que depuis que nous pourrions sortir ensemble tous les jours le temps est devenu froid et pluvieux comme en hiver. Cette taquinerie m’est particulièrement désagréable car rien ne me plaît plus que d’errer en liberté avec toi. J’aurais bien désiré aussi voir la première représentation de Berton dans Ruy Blas mais ce sera impossible si, comme on le dit, elle a lieu demain [1]. À tout hasard je m’inscris pour la seconde si aucun dîneur ne s’y oppose. Cher adoré, je crains de te parler de ce qui me tient le plus à cœur : de toi et de ta Petite Jeanne. Je voudrais pouvoir t’ôter ton chagrin et à elle aussi, mais je suis si peu chanceuse que je ne trouve rien à te dire avec la certitude de te donner un bon conseil. Je ne sais que souffrir avec toi et t’aimer.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 131
Transcription de Guy Rosa