Guernesey, 5 juillet, [18]70, mardi 3 h. ½, après-midi
Ce n’est pas tout de se lever matin, mon cher petit homme, il faut encore arriver à l’heure, ce qu’il m’a été impossible de faire aujourd’hui, quoique je fusse éveillée avant le coup de canon [1]. Il est juste d’ajouter que je ne me suis levée qu’après six heures et qu’à partir de ce moment-là j’ai été occupée à mille choses pour toi et pour moi. Quellea ravissante petite messagère tu m’as envoyée ce matin ! On ne peut rien rêver de plus aimable, de plus doux et de plus exquis que ta Petite Jeanne. Le cœur se fend en tendresse en la regardant et on est tenté de se mettre à genouxb devant elle et de lui demander sa bénédiction. Quelle adorable petite créature ! Petit Georges seul peut aller de pair avec elle. Samedi nous pourrons comparer les progrès qu’il a faitsc avec ceux de Petite Jeanne depuis bientôt trois semaines [2]. En attendant, je suis charmée de faire plus ample connaissance avec la charmante Mme Oliver [3]. Je compte inaugurer à cette occasion ce soir mon fameux service en porcelaine. C’est surtout quand il y a peu de monde qu’on peut se faire honneur de ce luxe, car il y a peu ou point de danger à s’en servir. Tout cela ne vaut pas la peine d’être dit, encore moins gribouillé. Heureusement voici le mot de la fin : je t’aime.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 183
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette
a) « Quel ».
b) « genou ».
c) « fait ».