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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 décembre [1839], mercredi après-midi, 1 h.

Bonjour, mon Toto chéri, bonjour mon amour adoré, bonjour, bonjour, je t’aime. C’est bientôt qu’on va apporter les armoires et c’est bientôt que je vais te voir, mon bon petit homme chéri adoré. Jourdain est venu ce matin apportera sa note qui ne se monte pas à moins de 178 francs, sur lesquels j’ai donné avant notre voyage, 25 ou 30 francs [d’] acompte. Je chercherai le reçu dans mes papiers. Dans tout cela est compris la dépense de toute l’année dans lequel le petit déménagement de ma chambre compte ainsi que la façon des rideaux, le raccommodageb du tapis, le blanchissage des panaches, enfin tout l’entretien de ma maison depuis un an. Peut-être il y aura-t-il aussi une réduction à faire. Il doit revenir jeudi, c’est-à-dire demain à moins que la bonne ne sache pas ce qu’elle dise. Le marchand de vin a apporté hier en notre absence 25 bouteilles de vin que la bonne n’a pas payées. Nous touchons à un moment terrible de l’année : le jour de l’an, le loyer et toutes les petites dettes flottantes de l’année qui attendent cette époque pour affluerc chez vous. Au reste je suis toute prête et je serais bien heureuse si tu voulais te servir de quelque chose à moi. Je m’explique mal ce que je veux dire, c’est que je t’aime de toute mon âme et que je souffre de te savoir si surchargé quand j’ai des choses superflues que nous pouvons vendre. Aime-moi, mon Toto, aie confiance en moi, mon adoré, je t’attends bientôt. J’aurais un fameux nez si les armoires venaient auparavant toi. Ça ne m’inquiéteraitd pas si ces gens nous connaissaient. Viens vite, mon Toto. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16340, f. 199-200
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « apporté ».
b) « raccommoda ».
c) « affuer ».
d) « m’inquiéterais ».


25 décembre [1839], mercredi soir, 10 h. ½

Pourquoi donc n’es-tu pas resté, mon adoré ? ou du moins pourquoi n’es-tu pas revenu tout de suite ? Moi je comptais que tu allais remonter aussitôt que tu aurais mis Mme Krafft dans son fiacre et je suis toute désappointée de voir qu’il n’en est rien et que tu continues ton vagabondage comme si de rien n’était. Cependant j’avais bien besoin de me trouver seule avec toi pour épancher le trop-plein de mon cœur qui me déborde et prend la place de tout ce qui pourrait être autre chose que ta pensée, ton amour, l’admiration de toi et l’adoration de ta chère petite personne rayonnante et sublime. Si tu savais comme je parle de toi. Si tu savais comme je t’aime, si tu savais comme je le dis bien hors de ta présence qui m’éblouit et m’enivre et m’ôte la faculté de parler. Si tu savais cela, mon Toto, tu m’aimerais avec orgueil, avec confiance, avec joie et ravissement. Donne-moi tes pieds que je les baise, donne-les moi, tes chers petits pieds, reviens bien vite, mon adoré, ne me laisse pas te désirer dans le désert. Je brûle, sans me consumer, il est vrai, mais je voudrais illuminer tes yeux de la flamme de mon âme, mais je voudrais mourir à tes pieds et dans un seul baiser de ta bouche parfumée et rose comme une fleur du paradis. Oh mon Dieu que je t’aime. Je ne distingue plus rien dans mon être, je suis toute de feu et d’amour. Je t’aime. Je t’adore. Je te désire.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16340, f. 201-202
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

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